mercredi 28 janvier 2009

37 - Pauvre type et stellaire

Vidéo : " La bohème, la vraie"

C'était un vieillard d'aspect insignifiant, un pauvre diable de vieil homme sans intérêt. Il n'avait aucune conversation, parlait sans égard pour ses interlocuteurs, leur envoyant continuellement des postillons à la figure.

Pourtant cet homme d'apparence inepte et de si désagréable compagnie était un véritable génie de la littérature, une espèce de fou illuminé de la plume, une sorte de Hugo contemporain, auteur de fresques romanesques et poétiques d'une portée universelle.

Il recevait dans sa bicoque insalubre maints journalistes. Mais à chaque fois c'était une déception pour les pauvres reporters... A moins que ce ne fût un événement, une curiosité, tant les interviews tournaient au vide le plus total : cet homme ne s'intéressait nullement aux questions qu'on lui posait. En fait il ne s'intéressait pas du tout à la littérature. Il dérivait très vite vers des sujets hors propos, s'enflammait pour des détails de la vie quotidienne sans le moindre intérêt. On lui parlait littérature, art, philosophie, il répondait avec passion quincaillerie, passoires, entonnoirs...

On l'interrogeait sur ses écrits, son inspiration, la richesse de son oeuvre littéraire... Il sous-estimait ces questions, préférant parler des solutions qu'il avait trouvées aux problèmes rencontrés avec son évier bouché. Il gesticulait comme un sénile en évoquant le prix du ticket de bus de sa petite ville de province qu'il estimait trop cher. Il ruminait encore à propos du facteur qui se trompait parfois de numéro de boîte aux lettres, persuadé que le préposé aux postes lui en voulait à mort à cause d'une lettre qu'il avait reçue, insuffisamment affranchie et donc surtaxée. Le vieil homme avaricieux et susceptible n'avait jamais voulu régler le facteur qu'il avait copieusement insulté et traité de voleur... Une histoire de quatre-vingts centimes de francs.

Il ne parlait que de ce genre de choses, à des années-lumières de sa très riche et superbe littérature. Il avait des conversations de minable, de pauvre type, de raté, de pensionnaire d'hospice alcoolique et abruti.

Et tout en ennuyant de la sorte ses hôtes, il buvait sa piquette. Pour couronner le tout, il ponctuait ses longs et insanes discours de grasses plaisanteries. Lamentable, sans finesse, il n'y avait chez lui pas la moindre parcelle d'esprit.

Mais juste dans les apparences, car le contraste était immense entre la teneur de ses écrits et les haillons verbaux que constituaient ses conversations. Sous des allures douteuses le vieil homme était un seigneur de la littérature, un esprit brillant, une âme pleine de lumière.

Mais incurablement inapte aux conversations mondaines.

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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Oisif mélancolique, oiseau unique, ange joliment plumé, ainsi se présente l’auteur de ces lignes (une sorte de Peter Pan cruel et joyeux, mais parfois aussi un rat taciturne). Au-delà de cette façade mondaine, loin de certaines noirceurs facétieuses j’ai gardé en moi une part de très grande pureté. Dans mon coeur, un diamant indestructible d’un éclat indescriptible. Cet éclat transcendant, vous en aurez un aperçu à travers mes modestes oeuvres. Est-ce une grâce de me lire, pensez-vous? Osons le croire.