samedi 24 janvier 2009

54 - L'hôte du marécage

L'automne était flamboyant.

La flore aux teintes chaudes dégageait des senteurs séminales. Partout l'or triomphait, ses reflets sauvages se mêlant avec éclat au terreau profond. Les artifices d'octobre embrasaient ciel et terre.

Aux abords d'un marais je m'égarai exquisément, humant l'humus fécond, l'âme bercée par ce paradis de feuilles mortes. La glorieuse agonie des éléments m'enchantait, je succombais à ses charmes. J'étais sur le point de tomber en pâmoison quand...

Quand les joncs remuèrent.

Une tête hideuse sortit des flots. L'épouvante me gagna. Avec sa face horrible, ses cheveux comme du foin, ses yeux pareils à des yeux de loup, son allure ogresque, ses poils de garou et ses halètement d'ours, l'être lentement s'approcha, ruisselant de vase.

Pétrifié d'horreur et tout à la fois incrédule devant ce géant issu de l'onde fangeuse, le doute traversa mon esprit. Je ne rêvais point pourtant. Ce génie velu était bien sorti de l'étang. La créature toutefois se révéla bien inoffensive. Craintive, voûtée, comme écrasée par sa propre déchéance, la bête semblait suppliante. Chose étonnante, devant son attitude misérable mon effroi peu à peu s'évanouit. J'eus bientôt pitié de ce titan au poil trempé de boue qui me tendait la main. Je sortis de ma besace quelque quignon de pain. Il le prit avec un air de profonde reconnaissance avant de disparaître aussi vite dans les eaux troubles.

C'était il y a vingt ans. Depuis je n'ai plus jamais revu le monstre solitaire. Mais à chaque automne je relève de mystérieuses traces de pas aux alentours du marécage. Aujourd'hui encore j'ignore qui était cet énigmatique habitant du marais, je sais cependant qu'il est toujours là, qu'il hante les lieux à chaque saison, errant entre les joncs tel un intemporel pénitent en quête de je ne sais quel salut.

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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Oisif mélancolique, oiseau unique, ange joliment plumé, ainsi se présente l’auteur de ces lignes (une sorte de Peter Pan cruel et joyeux, mais parfois aussi un rat taciturne). Au-delà de cette façade mondaine, loin de certaines noirceurs facétieuses j’ai gardé en moi une part de très grande pureté. Dans mon coeur, un diamant indestructible d’un éclat indescriptible. Cet éclat transcendant, vous en aurez un aperçu à travers mes modestes oeuvres. Est-ce une grâce de me lire, pensez-vous? Osons le croire.