mercredi 12 juin 2013

166 - Les grands vains


Ils ont pris rendez-vous longtemps à l’avance chez leur opticien.

Arrivés à l’heure, ils prennent place avec grande solennité dans la boutique aussi grave qu’une une église dédiée à l’optique.
 
Ambiance feutrée, regards confidentiels. Ici on parle voix basse.
 
On se croirait dans une pharmacie parisienne qui en imposerait aux provinciaux impressionnables...
 
Ils entrent très progressivement dans le vif de leur cher sujet avec des airs pénétrés, des attitudes de gens importants qui s’entretiennent d’affaires sérieuses.
 
Une demi-heure est tout juste suffisante pour choisir convenablement la monture de leurs lunettes de rechange. D’interminables minutes sont ensuite consacrées à la forme de leurs verres, à la sélection de leur anti-reflets, bavassant sur leur assurance de remboursement, réfléchissant encore sur la couleur de la monture, revenant sur leur décision, réessayant d’autres lunettes... Comme s’il était question de grands vins.
 
Moi j’arrive, demande la monture la moins chère, un produit standard que j’essaye à peine, opte pour les verres les plus simples, paye, signe et part. La chose s’est conclue en deux minutes.
 
Que les gens sont vains, egocentriques, inconsistants lorsqu’il s’agit de porter des lunettes !
 
Il faut dire que les opticiens font tout pour sacraliser, médicaliser le choix de lunettes...
 
Moi ce matin mon opticien je l’ai épaté ! Je crois que je suis le client le plus rapide -et surtout le plus simple- avec qui il a eu affaire dans toute sa carrière.
 
Les lunettes pour le français moyen c’est comme la bagnole : un objet purement utilitaire mais dans lequel il projette une grande part de sa fierté, juste pour le prestige social. Autrement dit pour la vanité.
 
Quand je pense que tant de gogos perdent temps, argent, énergie, mais surtout abandonnent toute décence dans le choix dune banale paire de lunettes... Manipulés par les publicistes, forcés par la pression sociale, illusionnés par le miroir de leur nombril, ils vont chez leur opticien comme on va chez un confesseur à qui on parle yeux dans les yeux. Il y est question d’image de soi, de qualité de vie, d’argent.
 
Alors que, et j’en suis la preuve vive, tout peut se faire rapidement, à moindre coût et en toute simplicité !
 
 

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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Oisif mélancolique, oiseau unique, ange joliment plumé, ainsi se présente l’auteur de ces lignes (une sorte de Peter Pan cruel et joyeux, mais parfois aussi un rat taciturne). Au-delà de cette façade mondaine, loin de certaines noirceurs facétieuses j’ai gardé en moi une part de très grande pureté. Dans mon coeur, un diamant indestructible d’un éclat indescriptible. Cet éclat transcendant, vous en aurez un aperçu à travers mes modestes oeuvres. Est-ce une grâce de me lire, pensez-vous? Osons le croire.