jeudi 13 juin 2013

196 - Mademoiselle Léontine


D'une chasteté extrême, la sévère Léontine -dite mademoiselle Léontine- ne vivait que pour la vertu.

A cinquante ans, elle n'avait embrassé que le crucifix du curé, détestant aussi maladivement les enfants que les hommes, bien que son chignon baroque et quelques autres détails de sa toilette pussent laisser supposer que si elle n'avait pas représenté cette infâme bigote avariée, elle aurait été la plus parfaite incarnation de la vieille putain.

Avec ses allures de coquette déjà bien ridée, son air strict et ses souliers immodestes, son rouge à lèvres criard que venait contredire son corsage hermétiquement, radicalement, définitivement clos, ses ongles vernis aux reflets vulgaires contrastant avec ses chapelets austères, oscillant entre gouffre et ciel elle évoquait autant la maquerelle que la sainte.

Jouant sur l'ambigüité des apparences, mademoiselle Léontine aimait semer le doute chez certains pour mieux faire triompher la "vérité".

La vertu, son credo... Ses journées de rentière employées à faire grandir cette flamme suspecte se résumaient, hors de ses heures de bénévolat, à des allées et venues entre son foyer d'éternelle célibataire et l'église, à des visites pieuses chez les malades mais aussi à des "missions de surveillance" de ses voisins. Et pour tout dire, du village entier. De temps à autre elle aimait rôder dans le cimetière.

Elle ne se ménageait pas pour rendre service, ne comptant ni son temps ni les frais personnels (usant non sans perversité du pouvoir que lui conférait sa fortune) afin que nul n'ignorât ses grandes qualités morales...

Cependant une cause suprême la tourmentait, tournait à l'obsession, et même à la rage haineuse : sa chasteté. Elle se glorifiait sans pudeur de son ignorance de l'ivresse charnelle. Toutes les occasions étaient bonnes pour se vanter de ses moeurs irréprochables. Même les funérailles de ses vieilles "amies" servaient de prétexte à l'expression publique de sa chasteté, l'éloge funèbre des défuntes tournant rapidement à l'éloge d'elle-même et de son hymen demeuré intact.

Tout ce qui pouvait faire songer à un phallus la troublait, aussi détournait-elle honteusement le regard devant les cierges à la messe, certaines cucurbitacées voire tels champignons chez son moustachu d'épicier, les gros cigares que fumait le prêtre de la paroisse qu'elle trouvait séduisant dans sa robe noire, la clé à molette du musculeux cantonnier ...

Sa terreur du symbole viril, son zèle dans le refus de cette "horreur" comme elle disait, trahissaient comiquement ses irrépressibles attirances...

Un jour le bedeau lui montra ce qu'elle aurait souhaité ne jamais voir.

Et ce qu'elle vit, qui la toucha, qui la retourna était si énorme, si adroit, si bon, juste et vrai, bref si impie qu'elle se convertit...

Mademoiselle Léontine s'est débarrassée de ses missels, chapelets, crucifix et autres signes de fausse honnêteté ayant si longuement alimenté sa vanité. Devenue humaine par la seule vertu d'une "charnelle ouverture de cœur", aujourd'hui elle se consacre avec sincérité et vraie humilité au bien-être d'autrui, authentiquement préoccupée du sort de son prochain, aimée de tous. 


VOIR LA VIDEO :

http://www.dailymotion.com/video/xv8tej_mademoiselle-leontine-raphael-zacharie-de-izarra_news

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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Oisif mélancolique, oiseau unique, ange joliment plumé, ainsi se présente l’auteur de ces lignes (une sorte de Peter Pan cruel et joyeux, mais parfois aussi un rat taciturne). Au-delà de cette façade mondaine, loin de certaines noirceurs facétieuses j’ai gardé en moi une part de très grande pureté. Dans mon coeur, un diamant indestructible d’un éclat indescriptible. Cet éclat transcendant, vous en aurez un aperçu à travers mes modestes oeuvres. Est-ce une grâce de me lire, pensez-vous? Osons le croire.