jeudi 13 juin 2013

177 - Les rites ridicules


Le comportement simiesque de mes semblables me laisse parfois perplexe. Pour peu qu'il soit en réunion avec ses congénères et que son sang s'échauffe à force d'évoquer son gourou favori, le plus brillant des esprits, prix Nobel de littérature ou éminent professeur de physique peut, de la même manière que l'idiot du village ou le provincial attardé un peu simplet, voir des croix planer dans le ciel ou des croissants se lever à l'horizon selon qu'il appartiendra au grand club mondial des catholiques ou au club international des musulmans...

Le plus grand érudit, le plus averti des scientifiques, le plus diplômé des chercheurs, le moins ignare des hommes peut, de son propre chef, adopter des comportements infantiles, puérils, voire franchement ridicules : il se lève sur un signe du prêtre catholique pour écouter ses paroles rituelles, se signe publiquement avec une solennité convenue, s'agenouille docilement en marmonnant des espèces d'incantations, le regard perdu sur les barreaux de chaises qui lui font face. Tout cela est parfaitement grotesque d'un point de vue formel, objectif, et même simplement humain.

Le prêtre catholique, dès qu'il revêt son habit de cérémonie, change de ton, d'allure, de regard. Il est comme pénétré de l'importance de son jeu devant la petite foule d'idiots et de savants mêlés qui lui fait face. Sa voix se fait ridiculement compassée, mielleuse, son geste est soudain calculé, plein de précision apprise. Il roule parfois les "R" lorsqu'il prononce le mot "Christ", il ouvre presque toujours le "è" en nommant son "Père tout puissant". Dans la bouche du prêtre le "R" final du mot "amour" est TOUJOURS accentué à force d'être affecté : il prononce "amourrr". Toute l'assemblée se retrouve à travers ces artifices textiles, vocaux, théâtraux. Tous les esprits, petits et grands, sont égaux devant le prêtre qui leur fait signe de se lever, de s'asseoir ou de s'agenouiller.

Le signe de croix est viscéralement enraciné dans les cerveaux agenouillés face au prêtre, qu'ils soient pleins ou vides. Il est comme un laisser-passer, un passeport, une clef de base pour être admis au club des agenouillés. Ce qui est étrange, c'est la sacralisation de la croix. Rappelons que la croix est une invention romaine. Si le Christ avait prêché en Chine, nous aurions sacralisé les baguettes (je suppose qu'il doit bien exister un martyre lié aux baguettes...). S'il était né chez les "empaleurs", le pal aurait été l'étendard porté au cou des fidèles. S'il était mort dix, cent, mille kilomètres plus bas, là où les moeurs pouvaient encore il y a deux mille ans être radicalement différentes d'un village à l'autre, d'une région à l'autre, notre architecture sacrée aurait été bien différente : nos églises, nos cathédrales, nos basiliques seraient aujourd'hui non pas en forme de croix, mais ovales, rondes ou carrées selon les supplices endurés. Les savants et les idiots semblent avoir oublié cette petite évidence, eux qui interprètent la croix comme une forme par essence sacrée. La croix est le fruit des aléas de l'Histoire, des errances de l'esprit humain qui a imaginé des supplices, voire de ses tâtonnements, du contexte des lois, de l'état d'esprit des sociétés, etc... La forme croisée est née de manière fortuite, capricieuse, hasardeuse, nous en avons fait un symbole inné, comme sorti de terre. Ou descendu du ciel, tout cuit.

Penser que nos églises auraient pu être circulaires, pyramidales ou trapéziformes fait froid dans le dos : nous avons échappé à des armées d'illuminés portant des chapeaux triangulaires, des sphères sur la poitrine ou des cubes aux doigts. Nos Croisés des temps passés auraient violé, pillé, massacré chez les tenants de religions "géométriquement" différentes. Les croisades avec des cercles dans le dos auraient été des Rondades. Avec des baguettes chinoises, on aurait appelé ça des Chinoiseries. Avec des pals, des Palades, que l'on aurait vite transformé en Ballades. Etc.

De nos jours des savants aussi bien que des idiots auraient vu dans le ciel de Rome à la Place Saint-Pierre, dans le ciel du désert à la Mecque (ou en quelque autre Lourdes de Chine) des trapézistes, des ronds de fumée ou des rubbick-cubes...

Pour contre-balancer mon article avec une vue diamétralement opposée, je vous propose un texte très intéressant sur le sujet :


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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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Oisif mélancolique, oiseau unique, ange joliment plumé, ainsi se présente l’auteur de ces lignes (une sorte de Peter Pan cruel et joyeux, mais parfois aussi un rat taciturne). Au-delà de cette façade mondaine, loin de certaines noirceurs facétieuses j’ai gardé en moi une part de très grande pureté. Dans mon coeur, un diamant indestructible d’un éclat indescriptible. Cet éclat transcendant, vous en aurez un aperçu à travers mes modestes oeuvres. Est-ce une grâce de me lire, pensez-vous? Osons le croire.